Eh oui... il y a des personnalités qu'on croit indestructibles... Comme quoi, les cimetières sont remplis de gens irremplaçables.
Le samedi 25 août 2007
La ville de Québec perd sa mairesse
Claude Vaillancourt
Le Soleil
Québec
Québec est orpheline. Déjà endeuillée par la mort de trois militaires de la base de Valcartier, la ville a perdu, hier, sa mairesse, créant une onde de choc dont les secousses se feront sentir longtemps.
Sans aucun signe avant-coureur, Mme Andrée P. Boucher est morte à son domicile, où elle voulait étudier en solitaire quelques dossiers sur l’état des finances de la Ville qu’elle dirigeait depuis novembre 2005.
Toute la classe politique municipale a été ébranlée par l’annonce du décès de « Mme Boucher », comme tous les élus ou fonctionnaires, respectueux de son autorité, la saluaient sur son passage. Mais pour les autres, les gens du petit peuple, Andrée Boucher, c’était tout simplement « la mairesse », celle pour qui ils avaient voté, avec le mandat d’aller faire le ménage dans l’administration publique. Si bien que, dès les rumeurs de sa mort, les lignes téléphoniques de la Ville de Québec ont été débordées d’appels. Même le réseau de télécommuniciations par Internet de la Ville n’a pu tenir le coup.
Âgée de 70 ans, Mme Boucher a été retrouvée inerte par son mari, le dentiste Marc Boucher, qui, sur le coup de midi, s’inquiétait de son silence inhabituel. C’est après qu’elle eut été conduite d’urgence à l’hôpital Laval que son décès a été confirmé, environ une heure plus tard.
C’est la première fois, dans l’histoire récente de la Ville, que Québec perd un maire dans l’exercice de ses fonctions. Un registre de condoléances sera ouvert lundi, à compter de midi, à l’hôtel de ville ainsi que dans tous les bureaux d’arrondissement, jusqu’au jour des funérailles, dont la date et le lieu n’ont pas encore été précisés. Le comité exécutif, en accord avec la famille, a pris cependant la décision d’organiser des funérailles civiques. Les détails de la cérémonie seront annoncés dans les prochain jours.
À titre de maire suppléant, le conseiller Jacques Joli-Coeur prendra la relève de la mairesse Boucher jusqu’à la tenue d’une élection qui doit avoir lieu dans un délai de quatre mois, a-t-on indiqué à l’hôtel de ville.
Mais il fallait surtout voir, hier, les visages des gens qui ont accouru à l’hôtel de ville pour mesurer l’ampleur de la disparition de Mme Boucher.
Conseillère indépendante et membre du comité exécutif, Lisette Lepage ne pouvait retenir ses larmes : « Je n’ai pas envie de ne pas être émue, j’ai trop de peine », a-t-elle lancé entre deux sanglots. « C’est toute la population de Québec qui pleure avec moi. »
Livides, les autres membres du comité exécutif ont tous exprimé leur honneur d’avoir travaillé avec Mme Boucher au cours de ces deux dernières années. Rompant avec les pratiques habituelles, l’un d’entre eux, Richard Côté, s’est, plus tard, inquiété des suites que l’arrivée de M. Jolicoeur provoquera dans l’administration municipale d’ici la tenue d’un prochain scrutin. « On essaie de ne pas y penser parce qu’on est en deuil, mais c’est une question dans ma tête, je me demande où on s’en va ? Le pro-maire peut faire ce qu’il veut, il peut y avoir des élections, il peut enlever l’exécutif, il peut arriver toutes sortes de choses. On se sent sur un siège éjectable, mais c’est la vie. »
Compatissant avec chacun, le président du conseil, Yvon Bussières, n’a pas manqué de rappeler l’impact des tragédies qui frappent Québec cette semaine. «Mme Boucher était aussi la marraine du Royal 22e Régiment, disait-il. Quelle coïncidence avec les événements qui arrivent là-bas.»
« Elle devait assister au Tattoo militaire ce soir », a aussi révélé le conseiller de presse de la mairesse, Paul-Christian Nolin.
Mais « madame la mairesse » n’est plus, sinon que dans le cœur et le souvenir des gens.
Sur son bureau, un tournesol a été déposé par le conseiller Bussières. « C’est d’un jaune éclatant, brillant. À l’exemple de madame la mairesse. »
Il l’avait cueillie, quelques minutes plus tôt, dans un jardin, sur une terrasse, en face de l’hôtel de ville.
« Avec un grand plaisir, la gérante de l’établissement m’a permis de la cueillir. C’était pour Mme Boucher, après tout. »