L'écrivain Julien Gracq est mort
PARIS (Reuters) - Auteur discret rétif aux honneurs, l'écrivain Julien Gracq est mort samedi à l'âge de 97 ans à Angers, dans le Maine-et-Loire.
Il avait refusé en 1951 le prix Goncourt pour "Le rivage des Syrtes", l'histoire d'un suicide collectif sur fond de pays imaginaires.
De son vrai nom Louis Poirier, il vivait retiré dans son village natal, Saint-Florent-le-Vieil, près d'Angers, et menait une vie "très éloignée des cercles littéraires et des parades mondaines", peut-on lire sur le site de son éditeur, José Corti.
Né le 27 juillet 1910, il était cependant entré de son vivant, en 1989, dans la prestigieuse collection de Gallimard, la Pléiade.
Jamais édité en poche, il est resté fidèle à des tirages limités qui ne l'ont pas empêché de jouir d'un grand prestige dans le monde des lettres.
"C'était un homme qu'une fiche signalétique n'aurait pu définir que comme moyen en tout. Il n'y a en effet rien de commun entre l'homme et l'oeuvre ; entre le Gracq réservé que l'on rencontre, le professeur froid dont les élèves disent qu'il ne se déride jamais mais fait d'excellents cours et l'écrivain qui a miraculeusement peint les enchantements d'Argol, les féeries de la forêt des Ardennes, les magies de la mer des Syrtes ; qui nous a rendu sensible le poids écrasant du Destin, et qui est le vrai Gracq ; celui que l'on tiendra un jour pour l'un des plus grands écrivains de notre époque", disait José Corti.
"AU CHATEAU D'ARGOL"
Les bords de Loire et le pensionnat ont marqué l'enfance de Julien Gracq, qui a fréquenté un lycée de Nantes, le célèbre lycée Henri-IV à Paris puis l'Ecole normale supérieure et l'Ecole libre des sciences politiques.
Agrégé d'histoire, Julien Gracq commence sa double activité en 1937. D'une part, il entreprend son premier livre, "Au château d'Argol", et, de l'autre, il commence à enseigner, successivement aux lycées de Quimper, Nantes, Amiens, et se stabilise au lycée Claude-Bernard à Paris à partir de 1947, jusqu'à sa retraite en 1970.
Il était professeur sous son vrai nom, Louis Poirier, et écrivain sous le pseudonyme de Julien Gracq, qui a bâti continûment une oeuvre de romancier, de poète, de nouvelliste, de dramaturge et d'essayiste. Dix-huit livres ont été publiés chez José Corti.
Julien Gracq a publié son premier roman, "Au château d'Argol", à compte d'auteur.
"L'ouvrage passe inaperçu et les ventes se totalisent à 150 exemplaires. Mais quelques esprits et non des moindres sont de ses rares lecteurs. Outre Edmond Jaloux et Thierry Maulnier, ...André Breton lui-même à qui Gracq a adressé l'ouvrage", écrit sa maison d'édition.
Julien Gracq aimait le travail à l'ancienne réalisé par José Corti, à savoir des feuillets non massicotés que le lecteur se doit d'ouvrir au coupe-papier.
"Je salue la mémoire de Julien Gracq, l'un des plus grands écrivains français du XXe siècle. Loin des modes et des cercles mondains, il a construit une pensée originale et une oeuvre puissante", a déclaré le président Nicolas Sarkozy.
"Fidèle à son éditeur José Corti, fidèle à ses amis, à sa région et à ses convictions, Julien Gracq a été un auteur lucide et visionnaire, et un homme qui a cultivé au plus haut point les valeurs de la distinction et de la discrétion", a-t-il ajouté dans un communiqué.
Le Premier ministre, François Fillon, a salué pour sa part la carrière d'un "auteur complet, à la fois romancier, poète, dramaturge et critique littéraire".
"Avec l'auteur du 'Rivage des Syrtes', homme discret et esprit indépendant, disparaît une figure phare de la littérature française contemporaine", écrit-il dans un communiqué.
Gérard Bon