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Le lundi 18 fév 2008
Décès de l'écrivain Alain Robbe-Grillet
Claude Casteran
Cyberpresse
L'écrivain français Alain Robbe-Grillet, considéré comme le «pape» du Nouveau roman est décédé lundi à l'âge de 85 ans, laissant la marque d'un auteur sulfureux et provocateur qui, avec d'autres, bouscula le concept même de littérature dans les années 50.
Alain Robbe-Grillet est mort à l'hôpital de Caen, où il avait été admis durant le week-end à la suite d'un problème cardiaque.
L'écrivain, dont les fantasmes sado-masochistes, partagés avec sa femme, ont alimenté une oeuvre parfois plus appréciée à l'étranger qu'en France, était aussi l'auteur de nombreux films.
Cet octogénaire au visage noble, barré d'une barbe blanche, avait retrouvé une seconde jeunesse en 2001, s'imposant comme une des vedettes de la rentrée littéraire avec son roman La reprise.
«J'ai beau être un monument littéraire, je peux continuer à écrire», disait-il.
Et, en septembre 2007, cet homme plein de fantaisie et d'ironie sortait le dernier texte de son vivant, Un roman sentimental, un «conte de fées» pour adultes, paru sous enveloppe plastique.
Né en août 1922 à Brest, Alain Robbe-Grillet était ingénieur agronome de formation.
En 1953, parait son premier roman, Les gommes. En 1955, son deuxième, Le voyeur, est couronné par le prix des Critiques.
C'est à cette époque qu'émerge une génération d'écrivains désireux d'en finir avec la psychologie, au profit de descriptions ultra-précises, voire franchement maniaques, voulant donner à imaginer plutôt qu'à voir, casser la linéarité du récit.
L'année 1957 voit ainsi apparaître simultanément aux Éditions de Minuit, dirigées par Jérôme Lindon: Fin de partie, de Samuel Beckett, La jalousie, de Robbe-Grillet, Le vent, de Claude Simon, Tropismes, de Nathalie Sarraute et La modification, de Michel Butor. Dans Le Monde, le critique Émile Henriot emploie pour la première fois l'expression «Nouveau roman».
Tout de suite, c'est le scandale: cette aventure créatrice déchire l'intelligentsia et les lecteurs entre ceux qui considèrent que le mouvement fait sortir le roman du cadre qui l'enserrait et d'autres qui l'accuse de «tuer» la fiction.
Il a notamment écrit Dans le labyrinthe (1959), Pour un nouveau roman (1963), La Belle captive (1976), Djinn (1981), Angélique ou l'enchantement (1988) ou Les derniers jours de Corinthe (1994).
Dans La reprise, l'écrivain met en scène une très jeune fille, donnant «de la joie aux messieurs». «J'assume ce goût érotique! Depuis l'âge de douze ans, j'aime les petites filles et les adolescentes plus ou moins pubères, je ne l'ai jamais caché, je n'ai jamais changé».
Conseiller littéraire des Éditions de Minuit de 1955 à 1985, Alain Robbe-Grillet a été professeur à la New York University et à la Washington University. Il avait dirigé le Centre de sociologie de la littérature à l'université de Bruxelles de 1980 à 1988.
Il avait été élu le 25 mars 2004 à l'Académie française - bien qu'il eut estimé que ce n'était pas un «très gand honneur» d'y entrer - mais il n'avait pas prononcé son discours de réception et n'avait jamais siégé dans les rangs des «immortels».
Au cinéma, il était auteur et metteur en scène de films comme L'immortelle (1963), Trans-Europ-Express (1967), Glissements progressifs du plaisir (1974) ou La belle captive (1983) ou scénariste de L'année dernière à Marienbad (1961) d'Alain Resnais.
Il était marié à la romancière Catherine Robbe-Grillet, auteur en 1956 de L'image, livre alors censuré écrit sous le pseudonyme de Jean de Berg.