Robert L'Herbier - fondateur de Télé-Métropole

Le jeudi 03 janv 2008

Robert L'Herbier, personnage important du divertissement, disparaît

Jean-Christophe Laurence

La Presse

Robert L'Herbier fumera son prochain havane avec saint Pierre. L'ancien auteur-compositeur-interprète, animateur, grand manitou de Télé-Métropole et fumeur de cigares invétéré est mort mardi soir à la suite d'une longue maladie, à la Cité de la Santé, à Laval. Il avait 86 ans.

On ne dira jamais assez l'importance de M. L'Herbier dans l'histoire des variétés québécoises. Si le crooner n'a laissé qu'un seul gros tube sur disque, il a en revanche été une immense star de la radio dans les années 40 (Les joyeux troubadours) avant de créer un nombre incalculable de succès télévisuels (Jeunesse d'aujourd'hui, Symphorien, etc.) à titre de directeur de la programmation de CFTM-TV (aujourd'hui TVA).

«Si on pète tous de la broue aujourd'hui, c'est grâce à lui», résume l'ex-Tannant Pierre Marcotte, qui a été lancé à la télé par M. L'Herbier au début des années 60. «S'il n'avait pas été là, je me demande ce qu'on serait devenus...»

Joyeux troubadour

Né Robert Samson à Lévis, dans la région de Québec, Robert L'Herbier amorce sa carrière à la station de radio CHRC en 1939.

Devenu annonceur et directeur de la programmation de CHLT Sherbrooke, il sort deux 78 tours en 1941 avant de se joindre à la populaire émission Les joyeux troubadours, dont il sera le chanteur principal jusqu'en 1949. En 1945, Robert L'Herbier s'impose comme l'une des grandes vedettes masculines de la province grâce au succès d'Heureux comme un roi, chanson d'opérette française signée Francis Lopez.

C'est aussi l'année de son mariage avec la chanteuse-accordéoniste Rolande Désormeaux, qui devient aussi sa partenaire sur scène, à la radio et à la télévision naissante. De 1954 à 1959, le couple anime sur les ondes de Radio-Canada la populaire émission Rolande et Robert, qui donne une large place à la création québécoise.

Ardent promoteur du talent local, Robert L'Herbier fonde le magazine Radio 49 avant de créer en 1956 le fameux Concours de la chanson canadienne, qui révélera notamment Jacques Blanchet (Le ciel se marie avec la mer) et Dominique Michel (En veillant su'l'perron).

En 1963, Rolande Désormeaux est emportée par un cancer. Mais son mari n'a pas attendu cette disparition pour quitter la scène et relever de nouveaux défis. Au début des années 60, il a troqué son métier de chanteur contre celui d'artisan à la nouvelle station Télé-Métropole.

Un flair infaillible

Nommé directeur de la programmation de la vacillante CFTM-TV en 1962, Robert L'Herbier redresse l'entreprise en lançant une brochette d'émissions populaires (Cré Basile, Capitaine Bonhomme, Symphorien, Réal Giguère illimité, etc.) qui vont offrir une nouvelle tribune aux vedettes du burlesque (Gilles Latulippe, Michel Noël, Olivier Guimond ou Claude Blanchard) et pulvériser les records de cotes d'écoute.

«Il avait un flair infaillible pour les formules qui marchaient, souligne Robert Thérien, historien de la chanson québécoise. Il a donné la parole aux exclus et s'est rendu compte qu'il y avait un immense public pour ces gens-là...»

Resté proche de ses premières amours, l'ancien roi du micro en profite aussi pour promouvoir la chanson d'ici, que ce soit l'art lyrique (avec Yoland Guérard) ou la vague à gogo, avec la mythique émission Jeunesse d'aujourd'hui, qui, selon Robert Thérien, «va donner un gros coup de pouce à l'industrie du disque québécois».

Devenu vice-président de Télé-Métropole, Robert L'Herbier prend sa retraite en 1985, et continue de travailler dans l'ombre comme consultant (TVA, TQS, Videotron), avant de se retirer pour de bon, laissant derrière lui une «oeuvre» marquée par la réussite.

Révolutionnaire

Selon Pierre Marcotte, aucun doute: l'homme au cigare n'a pas seulement été un «bon ami» et un «patron exigeant». Il a surtout contribué à redéfinir le paysage de la télé québécoise en faisant contrepoids à l'élitisme radio-canadien.

«Je suis bien heureux qu'il ait fait cette révolution parce que personne d'autre ne l'aurait faite, lance l'animateur. Son succès a généré les fonds qu'il fallait pour arriver où on est rendu aujourd'hui. Je dirais même plus: personne d'autre ne peut prétendre avoir eu autant de succès aussi longtemps. C'était un personnage. Pour ne pas dire un phénomène.»

Robert L'Herbier laisse dans le deuil sa conjointe, Gabrielle Roy-L'Herbier, son fils Benoît et sa fille Manuelle. Avis aux intéressés: il existe une compilation des succès du chanteur dans la collection Québec Info Musique (Disques XXI-Dep). Une biographie signée par son fils Benoît est également parue en 2000, sous le titre Heureux comme un roi (Éditions de l'Homme).