Mathilda Blanchard - syndicaliste et activiste acadienne

Le vendredi 06 juil 2007

Décès de la syndicaliste Mathilda Blanchard : l’Acadie perd une grande dame

Gilles Gagné

Carleton

« L’Acadie a perdu une grande dame, qui a marqué notre histoire contemporaine, surtout celle des femmes. » Tel est l’hommage rendu par l’auteur et sous-ministre adjoint à l’Éducation, Clarence Lebreton, à la syndicaliste néo-brunswickoise Mathilda Blanchard, décédée le 1er juillet à 86 ans, chez elle, à Caraquet.

Après avoir œuvré à Montréal et à Windsor dans des usines d’armement, Mathilda Blanchard, née Landry, a pris le parti des travailleurs, surtout des travailleuses d’usines de tranformation de produits marins, soumis à de dures conditions et obtenant de faibles salaires. Elle a fortement contribué à la création de l’Union canadienne de l’industrie des pêches et des travailleurs affiliés et, plus tard, de son Syndicat acadien des travailleurs affiliés aux pêches.

« Notre Michel Chartrand »

« Elle a été notre Michel Chartrand à nous. Il était inusité que ce soit une femme qui mène un combat pour les travailleurs. C’était une femme très passionnée, qui menait une mission de vie, une mission sociale », poursuit M. Lebreton.

Mme Blanchard a occupé une place prépondérante dans les luttes menées pour l’amélioration du régime d’assurance-chômage, au tournant des années 70. En janvier 1996, à 75 ans, elle avait repris le flambeau, s’exprimant lors d’assemblées
publiques pour contrer les compressions à ce qui était devenu la réforme de l’assurance-emploi. Ses interventions ont contribué à la défaite électorale du principal artisan de la réforme, le ministre Doug Young, dans Acadie-Bathurst, représenté depuis 1997 par l’ex-syndicaliste Yvon Godin, du NPD.

Comme beaucoup de personnes passionnées, Mathilda Blanchard vivait des contradictions, dont une fascination pour la monarchie britannique. Elle parlait avec animation de la visite du prince Charles à Caraquet, il y a une douzaine d’années. En dépit du protocole strict, Mme Blanchard avait pu obtenir un autographe du prince Charles.

Malgré son engagement pour la cause des travailleurs, elle avait aussi brigué en 1969 le leadership du Parti conservateur du Nouveau-Brunswick. Elle perdra contre
Richard Hatfield, qui allait gouverner sans interruption la province de 1970 à 1987. « Les institutions étaient importantes pour elle. Ce n’était pas une anarchiste », note Clarence Lebreton.

Encore à 86 ans, elle était représentante syndicale des travailleurs de l’usine Belle Baie, de Caraquet. Aujourd’hui encore, les effets de ses 50 ans de dévouement sont visibles. Les usines de produits marins de sa région, la Péninsule acadienne, présentent un fort taux de syndicalisme, un phénomène rare dans le sud-est du Nouveau-Brunswick.

Mme Blanchard a transmis sa passion à ses enfants. Son fils Michel a été le pivot des luttes étudiantes pour la francisation de Moncton, en 1968, luttes qui l’opposait au très unilingue maire Leonard Jones. Sa fille Louise est très engagée dans le déveoppement culturel de l’Acadie. Sa sœur Sylvia Landry-Blanchard (elles avaient marié des frères) a par ailleurs été une meneuse syndicale émérite dans l’état du Maine, au sein des travailleurs des pâtes et papiers.

L’ancien président national du Syndicat des Métallos, Lawrence McBrearty, l’a vue à l’œuvre entre 1984 et 1987, alors qu’il coordonnait les activités en Atlantique. « Elle défendait ses idées avec vigueur. Elle ne voulait pas affilier ses syndicats à des grandes organisations. Elle a toujours voulu rester indépendante. »

En 1977, elle avait fait une visite remarquée au Cercle de presse de la Côte-Nord, à Sept-Îles, déplorant 30 ans d’avance, que les travailleurs seraient un jour forcés d’accepter des baisses de salaire pour conserver leur emploi.